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CHAPITRE II

 

LE SOULÈVEMENT DES MILITAIRES

 

EN JUILLET 1936

 

Le 11 juillet 1936 un groupe de phalangistes s’empara de la station de radio de Valence et diffusa cette proclamation:

«Ici Radio Valence! La Phalange espagnole a occupé la station par la force armée. Demain, la même chose arrivera aux autres stations de radio espagnoles.»

C’est seulement quelques heures auparavant que le Premier ministre Caseres Quiroga avait été averti, confidentiellement, de la préparation de l’insurrection militaire. A cela le chef politique de l’Espagne répondit:

«Vous voulez dire par là que vous êtes sûrs que les militaires se soulèvent. Très bien, de mon côté, je vais me coucher.»

La plaisanterie était de mauvais goût, car en effet, cette phrase synthétisait toute l’attitude de Quiroga et des gouvernements espagnols qui lui succédèrent.

Six jours plus tard, les généraux déclenchèrent la première attaque au Maroc. L’armée, guidée par les forces de la Légion, occupa les villes, les ports, les aérodromes et les points stratégiques du Protectorat, capturant et tuant les militants ouvriers et les personnalités de gauche. Le gouvernement, pour toute réponse, déclara que, «grâce aux précautions du gouvernement, on peut dire qu’un vaste mouvement antirépublicain a échoué. L’action du gouvernement suffira a rétablir les conditions normales.» Mais un jour après, le 18 juillet, ce même gouvernement dut admettre que Séville était aux mains du général Queipo de Llano.

Devant le fait accompli, les réactions des partis politiques et de la CNT sont particulièrement intéressantes. Les partis socialiste et communiste rédigèrent ensemble le communiqué suivant:

«Le moment est difficile. Le gouvernement est sûr de posséder les moyens suffisants pour, annihiler cette tentative criminelle. Dans l’éventualité où ces moyens seraient insuffisants, la République a la promesse solennelle du Front Populaire qui est décidé à intervenir dans le combat lorsque son aide sera demandée. Que le Gouvernement ordonne, le Front Populaire obéira.»

La nuit du 18 juillet, le Comité National de la CNT proclama à la radio (Union Radio) de Madrid, la grève générale révolutionnaire, invitant tous les Comités et les militants à maintenir les contacts et à être prêts, les armes a la main, à leurs postes de réunion locaux. Cette même nuit, le Comité National envoya des délégués a tous les Comités Régionaux de la Confédération, avec des instructions détaillées.

La matinée du 19, une partie considérable des soldats de la garnison de Barcelone quittènt leurs casernes et occupèrent tous les édifices d’intérêt stratégique et les centres de la ville en liaison avec d’autres éléments engagés dans l’insurrection. Dans la description de la guerre civile espagnole, quelques écrivains ont cherché à donner l’impression que les deux partis furent incompétents au point de faire de la révolte et de la réaction populaire une espèce de farce. Rien ne pourrait être plus éloigné de la réalité. Le putsch militaire fut évidemment une action militaire soigneusement étudiée et calculée 9 et cela doit être constamment souligné pour permettre d’apprécier pleinement la grandeur et l’héroïsme de la résistance populaire qui, dans les premiers jours, triompha sur les deux tiers de la péninsule espagnole. Cela révèle aussi l’ impuissance des forces armées en face de la résistance décidée des masses 10, même quand elles sont aussi pauvrement équipées que l’étaient les ouvriers espagnols dans les premiers jours de la lutte.

A Barcelone, ce furent les travailleurs révolutionnaires de la CNT, avec de petits détachements de gardes d’assaut et de gardes civils (ennemis implacables des anarchistes en temps normal), qui n’avaient pas suivi les militaires, qui réussirent à contraindre á la réddition le général Goded et ses troupes. Sans perdre de temps, la CNT et la FAI occupèrent les casernes, s’emparèrent des armes restantes, qui furent distribuées aux groupes de travailleurs et envoyées dans tous les villages et villes de la région, réussissant de cette façon à prévenir des révoltes semblables à Tarragone, Lérida, et Gérone. A Madrid comme à Barcelone, ce qui semblait une situation désespérée pour les travailleurs se transforma en victoire grâce à leur héroïsme et a leur initiative ainsi qu’a leur enthousiasme révolutionnaire. Mais dans d’autres villes, un temps précieux fut perdu par la faute de l’indécision des fonctionnaires du gouvernement et des soutiens du Front Populaire. A Valence, les casernes furent encerclées par les travailleurs avant que les troupes puissent occuper les positions stratégiques de la ville. Cette situation se prolongea  durant une quinzaine de jours, tandis que le gouvernement se refusait à armer le peuple, déclarant que les troupes emprisonnées dans les casernes étaient «fidèles», Il ordonna aussi aux travailleurs de suspendre la grève générale décrétée le premier jour par la CNT et la FAI et de dissoudre le Comité Exécutif qui avait pris le poste du Gouverneur Provincial, considère à l’unanimité comme incompétent 11.

Mais le Gouvernement existait seulement de nom et son autorité (même en admettant qu’ il fût «fidèle») était emprisonnée dans les casernes! Pendant ce temps, la CNT avait pris contact avec la Confédération en Catalogne et à Madrid, et des accords furent passés pour envoyer des fusils et des mitrailleuses a Valence. Ce fut alors que la CNT décida de déclencher une attaque contre les casernes et ainsi finirent 15 jours de lutte «où l’héroïsme et la témérité allèrent de pair avec la faiblesse et la duplicité». (Juan Lopez, cite par Peirats).

A Saragosse, où toute la garnison s’unit  à l’insurrection, les travailleurs, malgré leur force numérique (30 000 dans les deux organisations UGT-CNT), ne furent pas en mesure de dominer la rébellion. Ils manquaient d’armés, et comme le dit un des principaux militants de la CNT:

«Nous devons reconnaître que nous fûmes très naïfs. Nous perdions du temps en colloques avec le gouvernement civil; nous croyions même à ses promesses, Aurions-nous pu faire plus? Peut-être. Nous comptions exclusivement sur les promesses du gouverneur et nous attendions trop de notre force numérique.»

Sans se rendre compte que pour résister à une aussi violente insurrection, il fallait plus de 30 000 travailleurs organisés.

Aux Asturies, autre centre révolutionnaire de la Peninsule, l’indécision des autorités et du Front Populaire créa de graves complications dans la situation locale et c’est seulement au prix de nombreuses vies que la révolte fut finalement réprimée.

Mais la rapidité avec laquelle les généraux suivirent leur plan pour conjuguer leurs deux forces principales à travers l’Andalousie et l’Estrémadure, en se servant comme base intermédiaire de Séville, Cadix, Algésiras, Jerez, etc... fut la clé de tous leurs futurs succès militaires. (Peirats). Nous voudrions ajouter encore que la vraie clé du succès militaire des rebelles fut le Maroc qui servit

«de base principale aux fascistes, comme réserve en hommes et centre de fournitures, ainsi que d’organisation, de distribution et de réorganisation des forces dans la lutte contre l’héroïque peuple espagnol... On peut dire que le Maroc a mis la République en danger de mort 12 ».

Peirats passe sous silence la question du Maroc. Et pourtant la question qui se pose immédiatement à l’esprit est: quelle fut l’attitude de la CNT-FAI à l’égard du Maroc, aussi bien avant qu’apres l’insurrection? D’après leur conduite il est clair qu’elles n’avaient aucun programme révolutionnaire qui aurait pu faire du Maroc ennemi un allié du mouvement populaire et que jamais leurs chefs ne se soucièrent d’écouter quelques militants anarchistes qui, comme Camillo Berneri, soutenaient l’urgence d’envoyer des agitateurs en Afrique du Nord et d’y mener une campagne de propagande sur une vaste échelle parmi les Arabes, en faveur de l’autonomie. Cette attitude négative de la CNT envers l’indépendance marocaine sera discutée ultérieurement en détail.


 

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