Dans
la bibliographie de The great Camouflage, l’auteur Burnett Bolloten
declare qu’afin de préparer cette grande étude il a consulté pas moins de 2
500 livres et brochures sur le sujet, dont il cite les plus utiles et ceux dont
il a tiré partie. Sa bibliographie s’étend sur dix-sept pages, et pourtant
le lecteur ne peut qu’être frappé par le faible nombre d’ouvrages publiés
entre 1945 et 1960. L’Espagne n’était pas rentable tant que le monde des éditeurs ne s’en occupait pas. Par exemple, le livre de
Bolloten, terminé dès 1952, ne fut publié qu’en 1961. Dans l’intervalle,
il fut proposé à de nombreux éditeurs américains, dont cinq universités,
qui tous le refusèrent. L’évolution de la mode, le nombre toujours croissant
d’universitaires diplômes en quête de thèses et les insatiables empires de
l’édition à la recherche de réimpressions et d’auteurs ont tiré la
Guerre Civile Espagnole de ce regrettable oubli. Le lecteur en saura-t-il plus
en lisant les livres les plus
diffusés ? C’est une autre histoire.
Un
important nombre d’ouvrages a paru depuis 1957 (date où j’ai complété Enseignements
de la Révolution Espagnole) qui aurait pu être utilisé dans ce volume. Ma
tâche n’est pas d’écrire une histoire, mais de tirer des leçons des
aspects révolutionnaires de la lutte. Du reste je n’aurais fait qu’ajouter
des notes qui aurait souligné mon argumentation, sans la changer. Et le gain,
à mon avis, n’aurait amené qu’une pléthore de détails au détriment des
arguments, outre le fait qu’un travail peut être annoté à l’infini sans
être réécrit, et que ce n’est pas mon intention. Cependant j’estime
profitable de commenter quelques ouvrages importants qui sont maintenant
disponibles pour ceux qui s’intéressent à la Révolution espagnole.
II
Le
Labyrinthe espagnol
de Gerald Brenan (Paris, Ruedo Ibérico, 1962) est encore le meilleur livre sur
les antécédents sociaux et politiques et la bibliographie est bonne. La
Anarquia a través de los tiempos de Max Nettlau (Barcelona, 1935) a été
traduit en français sous le titre: Histoire de l’Anarchie (Paris, Tête
de Feuille, 1971, appendice du
traducteur), plusieurs chapitres traitent des origines de l’anarchisme et du
collectivisme et du communisme anarchistes en Espagne. La
Première Internationale en Espagne (1868-1888) (Reidel, Hollande,
1969), également de Nettlau, est un ouvrage de référence fondamental de 600
pages, patiemment préparé par Renée Lamberet. Mis à part qu’il est hors de
portée de la plupart des bourses, je ne suis pas arrivé à le lire de bout en
bout, probablement parce qu’il est plus destiné à la consultation qu’à la
lecture (surtout celle des étudiants plongés dans les origines de la Première
Internationale en Espagne). Bien plus lisible,
bien qu’étant un ouvrage universitaire, est Origenes del Anarquismo
en Barcelona (Barcelone, 1959) qui est à mon avis, la première étude sérieuse
de l’anarchisme faite dans l’Espagne franquiste.
On
trouve dans le matériel couvrant les trente premières années du siècle, une
réédition de la brochure de Dashar The origins of The Revolutiobary
Movement in Spain (1967, Coptic Press), et
l’ouvrage de Peirats Los anarquistas en la Crisis Espanola
(1964, Buenos Aires) qui consacre cent pages aux années de lutte syndicale
jusqu’au 19 juillet 1936, tout comme les six premiers chapitres du volume I de
son histoire de la CNT si fréquemment cité tout au long de ce travail.
Les
deux cents premières pages de The Spanish Republic and the Civil War
(1965, Princeton) traitent très en détail la république de 1931.
III
La
meilleure ceuvre générale sur la guerre civile est la Révolution et la
Guerre d’Espagne (1961) de Broué et Témine. Dans ce livre universitaire
et engagé, les deux auteurs s’efforcent de montrer la vérité sur la guerre
et la révolution. Il est heureux que ce livre existe en traduction anglaise
(1972, Londres) et, s’il n’avait pas été saboté par les critiques, ce
serait une histoire moderne qui pallierait le mal causé par le livre le plus
populaire et le moins engagé 1,
The Spanish Civil War (1961) de Hugh Thomas. Thomas, outre qu’il est
incapable de situer la guerre civile espagnole dans son véritable cadre, est en
même temps un plagiaire dans le pire sens du mot. J’ai déjà expliqué
longuement les raisons qui me font considérer ce livre comme l’un des plus
cyniques que j’ai lu sur ce sujet, et je ne les reprendrai pas 2.
Une édition révisée de The Spanish Civil War a été ensuite publiée
(1965, Penguin Books). Dans la préface l’auteur écrit que cette édition «
aborde brièvement les aspects économiques et sociaux de la guerre. Les
origines du communisme et de l’anarchisme en Espagne ont été plus fouillées.
Ceci mis à part, le livre est en substance semblable à la première édition
». En fait la seule nouveauté consiste en onze pages sur la «collectivisation»
que l’auteur avait négligées
dans l’édition originale — si ce n’est quelques références mineures !
Cependant Thomas a grandi de plus en plus, au point d’être considéré comme
une autorité sur la question des collectivités, après son article un peu plus
long dans le volume de Raymond Carr: The Republic and the Civil War in Spain
(1971, Londres).
IV
Ces
dernières années un matériel plus important a été publié sur les
collectivités, en particulier le travail critique de Frank Mintz: L‛Autogestion,
dans l‛Espagne Révolutionnaire (1970, Paris) qui cherche à répondre
à des questions practiques telles que «Pourquoi la collectivisation a-t-elle
eu lieu?» «Comment s’est effectuée la collectivisation?» «Cette
collectivisation présente-t-elle des caractères originaux?» Le mérite de ce
livre est que l’auteur s’efforce de confronter les matériaux à partir
d’une grande quantité de sources publiées et de faire une synthèse des résultats.
Cependant, comme de nombreuses thèses, le livre n’est pas facile à lire,
mais c’est une contribution utile au sujet.
Un
plus grand travail sur les collectivités vient de paraître: Espagne
Libertaire 36-39 de Gaston Leval (1971, Paris). Il s’agit d’une version
légèrement augmentée de Nè Franco nè Stalin (Le collectività anarchiche
spagnole nella lotta contro Franco e la reazione staliniana) (1952, Milan)
que le lecteur connaît bien par les nombreuses citations que j’en ai fait.
Une
contribution d’Espagne est celle d’Albert Pérez-Baro 30 mesos de
collectivismo a Catalunya (1970, Barcelone). L’auteur, militant de la CNT
bien avant 1936, participa de près à la législation de la collectivisation en
Catalogne. Je n’ai pas consulté directement cet ouvrage mais Frank Mintz le décrit
dans un bulletin du CIRA 3 comme
étant «un outil indispensable à la compréhension des nombreux événements
qui ont marqué la transformation économique de l’Espagne républicaine ».
Le même auteur fait une recension d’un autre ouvrage d’Espagne (à ce
propos on remarque que les deux livres sont en catalan): Politica economica
de la Generalitat (1936-1939) Vol. I: evolucio i formes de la produccio
industrial (1970, Barcelone) qu’il considère «fondamental». «Il présente
une documentation et des statistiques tellement nombreuses qu’elles dépassent
tout ce qui a été publié jusqu’à présent sur l’Espagne et la Catalogne»,
le livre est accompagné d’une riche illustration.
J’ai
été impressionne par l’étude instructive de Ramon Tamames: Estructura
economica de Espana (1960, Madrid, revu et augmenté en 1965). C’est à la
fois un ouvrage de base et une étude critique de 800 pages qui touchent tous
les aspects de l’économie espagnole. Il n’aborde pas directement la
collectivisation de 1936-1939 bien que les quelques pages sur la réforme
agraire sous la seconde république se rapporte au sujet. L’auteur cite des
chiffres intéressants et significatifs de terres expropriées pendant la révolution.
En mai 1938, pas moins de 5,7 millions d’hectares étaient occupés, dont 2,4
millions parce que leurs propriétaires les avaient abandonnés ou pour des
raisons politiques, 2 millions pour le bien social et 1,2 million n’étaient,
occupés que provisoirement (p. 46). Une autre «statistique»
intéressante est donnée page 11 lorsque l’auteur souligne que le
Produit National Brut n’a pas augmenté en rapport avec le taux de croissance
de la population aprés la guerre civile, ce qui amena comme résultat que «les
années 1939-1950 furent marquées par une chute trés sensible du niveau de vie
en Espagne».
V
Les
trois gros volumes de Peirats: La CNT en la revolucion espanola (1951,
1952, 1953, Toulouse), sont encore le travail le plus important pour ceux qui
s’intéressent à cette question, et il est encourageant de voir
qu’il a été réédité (1971, Paris). Il est indéniable que l’ouvrage le
plus considerable après celui de Peirats est The grand Camouflage de
Burnett Bolloten qui parut d’abord en 1961, avec en sous-titre The
Communist Conspiracy in the Spanish Civil War, et qui disparut mystérieusement
des listes de livres des éditeurs pour ne reparaître qu’en 1968 dans une
autre maison avec comme sous-titre The Spanish Civil War and Revolution 1936-1939
et une introduction de H.R. Trevor-Roper dont l’intérêt est de décrire les
avatars de l’auteur pour trouver d’abord un éditeur puis la conspiration du
silence qui suivit la publication. Le professeur Roper suggère que la raison en
est peut-être que «le cadre de pensée anglo-américain est encore empreint
des positions snobs des années 30 que Bolloten sape implicitement». Une démonstration
nous en est donné par l’essai d’Orwell, La défense de la littérature,
écrit des 1946 lorsque l’auteur transfère sa diatribe des bêtes-noires
qu’étaient les fascistes, les pacifistes et les anarchistes durant la guerre,
aux Russes et à leurs compagnons de route intellectuels. Je suis certain que la
phrase clé de l’article auquel le professeur Roper fait allusion est celle-ci:
«Il
y a quinze ans, lorsque nous défendions la liberté de pensée, nous devions le
faire contre les conservateurs, les catholiques, et dans une certaine mesure —
car ils n’étaient pas trés importants en Angleterre — les fascistes.
Aujourd’hui nous la défendons contre les communistes et leurs «compagnons de
route. Il ne faut pas exagérer l’influence directe du petit parti communiste
anglais, mais il n’en va pas de même de l’effet empoisonné du mythe
russe sur la vie intellectuelle anglaise: des faits connus ont été cachés et
déformés à un tel point que l’on peut se demander si une histoire véritable
de notre époque sera jamais écrite.»
Ce
n’est pas ici le lieu de souligner le confusionnisme politique d’Orwell
parce que, de toute faςon, pour ce
qui concerne la guerre civile
espagnole, j’affirme que la «ligne» défendue alors par les communistes —
à savoir la lutte du fascisme contre la démocratie, représentée par le Front
Populaire qui avait remporté les élections de février 1936 — fut avalée,
tant hamecon, ligne que plombs, par la gauche tendant à droite, pour ne pas
citer des conservateurs excentriques comme la duchesse d’Atholl. Je pense que
le chef-d’oeuvre de Bolloten ne fut pas publié dans les années 50 tout
simplement parce qu’il n’y avait pas d’ « intérêt » dans le monde de
la langue anglaise pour ce sujet et que lorsqu’il fut publié, il se heurta au
sabotage des universitaires qui monopolisent
les revues et s’irritent de l’intrusion d’un simple journaliste
dans un sujet qu’ils viennent de « découvrir » et qui offre une
exploitation lucrative, outre le fait que Bolloten remet entièrement en
cause la vision élitiste 4
dans les premières lignes de son livre remarquable:
«Bien
que l’explosion de la guerre civile espagnole en juillet 1936 fût suivie par
une vaste révolution sociale dans la zone antifranquiste - plus profonde dans
certains aspects que la révolution bolchévique à ses débuts-, des millions
de personnes conscientes furent tenues dans la plus complète ignorance, non
seulement de sa profondeur et de sa portée, mais même de son existence, á
cause d’une politique de duplicité et de dissimulation qui n’a pas son
pareil dans l’histoire. »
J’ai
rendu hommage à deux reprises à Bolloten et je ne peux que citer mon compte
rendu d’Anarchy
(no 5, juillet
1961) :
«Il
est significatif qu’un autre. livre, The
grand Camouflage: the Communist Conspiracy in the Spanish Civil War de
Burnett Bolloten qui est sorti en même temps que celui de Thomas, a été ignoré
ou sommairement jugé, dans des recensions du livre de Thomas. C’est bien
dommage car il est bien plus important et même s’il ne prétend pas donner
une vision complète de la guerre civile, le lecteur en apprend plus en 350
pages sur les orientations, réelles de la lutte que dans les 700 de l’«
histoire compréhensive» de Thomas. (...) La raison pour laquelle le livre de
Bolloten est plus instructif que son titre porterait à le croire, est que pour
analyser le rôle contre-révolutionnaire des communistes, il donne
d’abord au lecteur un tableau de la révolution sociale qui eut lieu, et il le
fait en plusieurs chapitres dont les références occupent parfois plus de place
que le texte. Ainsi le chapitre sur la révolution à l’arrière-garde n’a
que vingt pages, dont sept de notes. Mais dans ces notes, il y a la matière à
écrire un gros volume.»
Je
citerai également l’introduction à l’édition espagnole de mon livre où
j’exposais que jen’avais pas
modifier mon texte malgré les nombreux livres publiés depuis 1957 :
«Car
à mon avis seul celui de Burnett Bolloten est un travail valable et offre une
prise réelle sur le problème. Je n’ai pas fait usage ici de Bolloten car
cela m’aurait entrainé à examiner toutes ses sources, les étudier et écrire
au moins cinq volumes de plus ! Mais j’incite toute personne concernée à étudier
sérieusement Bolloten et à méditer
ses notes. Je pousserai le manque de modestie jusqu’à dire que Bolloten
éclaire également la thèse que j’expose dans les pages qui suivent. » Et
j’incite aussi les lecteurs de l’introduction de Trevor-Roper à ne pas
penser que celui-ci éprouve de la sympathie pour le travail qu’il présente.
En fait, il illustre l’ignorance crasse des universitaires - le professeur
Roper est « Regius Professor» d’Histoire Moderne à l’université
d’Oxford - lorsqu’il écrit :
«La
révolution anarchiste de 1936 à déjà été décrite, mais rarement, je
pense, aussi intensément que ne le fait M. Bolloten. Sa description, amplement
documentée par des sources directes, locales, est une des parties les plus
fascinantes de son livre. Mais elle n’est, en fait, qu’une introduction. Car
la révolution, tout en détruisant
effectivement la vieille république, ne contribua qu’à la tâche immédiate
de résister à la
rébellion de Franco » (souligné par moi).
Et comment donc ? Et le professeur de répliquer, comme les compagnons de route des années 30 : « Cette force s’avéra être le parti communiste. » Et sur quoi fonde-t-il son affirmation ?
«Le
parti espagnol communiste était négligeable en force en 1936. L’Espagne
n’avait jamais accepté le communisme, ou même le fascisme, ou toute idéologie
qui était fermement implantée, en Europe. Les idées européennes qu’elle défendait
avait été les hérésies- de l’Europe, ou bien des orthodoxies
fondament talement transformées par le passage des Pyrénées. Ce n’est pas
Marx, mais Bakounine qui est le prophète de l’extrémisme espagnol. Et ainsi,
en 1936, tandis que les anarchistes étaient capables de faire une révolution,
les communistes espagnols étaient trop faibles pour penser même à une
insurrection. Ils avaient tout au plus 40 000 membres, représentés par 16 députés
aux Cortes. Cependant, en un an, le parti communiste devint le maître véritable
du gouvernement républicain. A la fin
de la guerre, le général Franco ne luttait en fait plus contre le Front
Populaire mais bien contre la dictature communiste»
(souligné par moi).
Je
ne résiste pas à la tentation d’analyser le passage que j’ai mis en
italique, mais si j’ai longuement cité le professeur Roper ce’nest que pòur
souligner son approche des faits et sa pensée, typiques des historiens universitaires,
qui néanmoins se sont « emparés » de la guerre civile espagnole pour les
lecteurs de langue anglaise, bien qu’ils appartiennent à la réaction. Noam
Chomsky, dans son long’essai sur « L’objectivité des intellectuels libéraux
» publié dans L’Amérique et les nouveaux mandarins (1969 en anglais, 1970
en francais), étudie les effets de ce qu’il appelle « la subordination
contre-révolutionnaire » dans la rédaction de l’histoire. Il illustre
son argumentation en se référant aux différentes attitude des historiens
envers la guerre civile espagnole et en particulier la révolution dans la rue.
Il examine assez en détail un des livres de l’intellectuel libéral Gabriel
Jackson, primé pour cette œuvre, La république
espagnole et la guerre civile, et en conclue : « Nous ne manquons pas d’éléments,
à mon avis, pour prouver qu’un profond parti pris contre la révolution
sociale, et l’adhésion aux valeurs et à l’ordre social de la démocratie
bourgeoise, libérale, conduit l’auteur à présenter sous un jour faux des événements
d’une importance capitale et à négliger des courants historiques majeurs. »
Il
nous semble que la publication tardive mais enfin faite du travail de Broué et
Témine en anglais est due aux relations du professeur Chomsky au MIT
(Massachusetts Institute of Technology) qui a acheté les droits en langue
anglaise. Un détail intéressant à mon avis est que le livre garde son titre
sans équivoque de La révolution et la guerre civile en Espagne, bien que la
publication ait lieu chez le très respectable Faber & Faber ; dans le même
temps le livre de Bolloten est réédité avec un soustitre modifié, comme
nous l’avons vu. On pourrait croire que la peu sainte trinité de
Thomas-Joll-Raymond Carr, qui s’éreinte mutuellement est enfin démasquée.
Le compte rendu du livre de Broué-Témine de Carr dans The
Observer est très clair dans le sens qu’il distingue le rouge mais
qu’il espère que les intrus seront sûrement écartés. Peu de gens peuvent
s’offrir un volume à six livres, tant qu’une édition meilleure marché
n’est pas en vente.
Une
autre source importante à ne pas négliger en dépit de ses insuffisances est Tres
dias de Julio de Luis Romero
(1967, Barcelone). Dans ce livre de 600 pages, très illustré, l’auteur,
romancier reconnu, tente d’évoquer le déroulement dans les principales
villes d’Espagne des trois journées cruciales de juillet 1936, le 18, le 19
et le 20. Dans un article commémoratif sur l’Espagne dans Freedom en 1963, j’ai esquissé le type d’«Histoire» que je
souhaiterais. Une relation jour après jour de l’activité des deux
organisations de travailleurs CNT et UGT depuis l’avènement de la république
en 1931; une première partie aboutirait aux élections de février 1936, la seconde «beaucoup plus détaillée» irait
jusqu’au putsh militaire de juillet. Et la troisième «chercherait à recréer
les événements quotidiens du mois suivant le soulèvement, pour montrer
jusqu’où alla l’oeuvre de «démolition» de l’ordre social antérieur
et dans quelle mesure les révolutionnaires furent capables de créer des
organisations nouvelles sociales et économiques pour remplacer les anciennes et
faire face aux multiples problèmes créés par le soulèvement sans oublier
ceux qui sont liés aux grandes concentrations urbaines 5».
Luis
Romero a préparé son livre pendant trois ans. Mais bien que par plusieurs références
je sois convaincu du sérieux de sa contribution, la présentation littéraire
et non historique, l’absence de toute note, sans même une bibliographie,
font qu’aucun étudiant ne peut se servir de ce matériel sans le vérifier.
Le lecteur informé, quant à lui, lira le livre avec autant d’intérêt
qu’un drame. Ainsi au moment où Companys appelle les anarchistes catalans à
une rencontre à la Généralité : « Les voitures au milieu de la place de la
République. Un grand drapeau de Catalogne flotte au balcon d’honneur de la Généralité.
Un corps de Mozos de Escuadra 6
garde l’entrée. Chaque croisement semble contrôlé par les gardes
d’Assaut et des citoyens portant des brassards aux couleurs catalanes !
Les représentants de la CNT et de la FAI, armés jusqu’aux dents, sortent des
voitures ; les Mozos de Escuadra restent calmes. Un commandant, qui doit être leur chef,
avance vers le groupe près de la porte formé de Durruti, Garcia Oliver,
Joaquin Ascaso, Ricardo Sanz, Aurelio Fernandez, Gregorio Jover, Antonio Ortiz
et «Valencia». — «Nous sommes les représentants de la CNT et de la FAI ;
Companys nous a appelés et nous voilà. Ceux qui nous accompagnent sont notre
escorte 7.»
Bon
effet dramatique et également précision des détails.
Évidemment
ce qui a été dit n’a que peu d’intérêt pour Luis Romero en tant que
romancier, mais c’est fondamental pour Peirats ou moi-même qui décrivons
la révolution. Par contre, l’atmosphère dans laquelle eurent lieu les
discussions et furent prises les décisions est très bien rendue dans le livre
de Romero, mais l’absence de notes doit inciter à la réserve.
VI
Peu
de travaux critiques ont été publiés ces quinze dernières années. José
Peirats a publié Breve Storia del
Sindacalismo Libertario Spagnola (1962, Gènes) qui aborde à peu près les
mêmes sujets que mon livre et accentue la critique qui apparaît dans son œuvre
précédente. Le texte original en espagnol a été publié plus tard sous le
titre de Los anarquistas en la crisis politica
española (1964, Buenos Aires). L’édition est identique, si ce
n’est que la période de la république (1931-1936) est plus détaillée.
Depuis Peirats et certains de ses camarades se sont séparés du mouvement
espagnol officiel en exil, qu’ils considèrent, selon Peirats, « coupé des
travailleurs».
César
Martinez Lorenzo, né en 1939, «fils de militants de la CNT espagnole qui se réfugièrent
en France après la chute de la Catalogne» (note de l’éditeur), a écrit Les
anarchistes espagnols et le pouvoir 1868-1969
8.
Son livre est une mine d’informations détaillées, la plupart fondées sur
des documents, mais il présente deux graves défauts. Le livre de plus de 400
pages est dominé par Horacio Prieto 9
qui est cité dans le texte ou en note presque à chaque page. Je n’y
trouverai rien à y redire si Prieto dominait effectivement par sa pensée la
CNT-FAI dans son ensemble en Espagne et en exil. Or il n’en est rien,
encore qu’il soit indéniable qu’il était ce que les Espagnols appellent un
membre «influent» de l’organisation: on pourrait le surnommer le «faiseur
de ministres anarchistes» car ce fut lui qui, en tant que secrétaire national
de la CNT, manœuvra pour faire entrer les quatre ministres de la CNT au
gouvernement de Caballero en novembre 1936. Je l’ai toujours considéré comme
un des plus déplaisant intrigants politiques que la CNT ait produit. Chaque référence
que le livre apporte à son sujet ne fait que confirmer mon impression que des
lectures antérieures m’avaient faite.
Pour
illustrer la tendance pro-Prieto du livre, je l’ai ouvert au hasard à la page
283 où Prieto est cité pas moins de trois fois, tout comme à la page 284,
mais deux fois page 285, encore qu’il y ait une citation d’un discours fait
devant le Comité National de la CNT sur les problèmes économiques et les
solutions à y apporter. Lorenzo décrit ce discours comme «très long et très
technique» : «dans, son introduction et dans sa conclusion, il déclara
qu’action politique et action économique étaient inséparables, que le
ommunisme libertaire n’était qu’une utopie, que la CNT elle-même était
une institution semblable à un État avec son règlement, ses statuts, son
fonctionnement soumis à des normes morales et idéologiques, son a
ppareil administratif et ses organismes de direction. Il mit en valeur
les clefs politiques du pouvoir économique (l’or en particulier) et
l’importance de la législation, montrant que les libertaires ne pourraient réaliser
rien de valable en économie s’ils n’avaient pas accès à ses clefs». Je
pourrais trouver ces arguments stimulants si Lorenzo ne continuait pas à citer
Prieto textuellement en particulier lorsqu’il condamne les tentatives des
travailleurs de collectiviser la terre et l’industrie du mieux qu’ils le
pouvaient : «Le collectivisme que nous connaissons en Espagne n’est pas le
collectivisme anarchiste, c’est la création d’un capitalisme nouveau plus
incohérent encore que le vieux système capitaliste que nous venons de détruire;
il s’agit d’une nouvelle forme du capitalisme avec tous ses défauts, toute
son immoralité, qui se reflètent dans 1’égoïsme inné, dans l’égoïsme
permanent des travailleurs. qui administrent une collectivité. Il est
pleinement prouvé aujourd’hui qu’il n’existe parmi nous aucune
observance, aucun amour, aucun respect de la morale libertaire que nous, prétendons
défendre ou propager» et ainsi de suite trois pages durant.
Je ne suis pas effrayé par cette vision critique, mais je soupçonne ceux qui critiquent les anarchistes et les anarcho-syndicalistes de ne pas être de bons anarchistes, de penser que les méthodes non autoritaires ne mèneront jamais a l’anarchie, Prieto, le faiseur de ministres anarchistes, croyait même pendant la lutte de 1936-1939 que si les anarchistes ne participaient pas au pouvoir, ils ne feraient jamais de progrès, et il continue jusqu’à ce jour à prôner le parti anarchiste.
Enfin,
l’autre défaut, ou faiblesse du livre de Lorenzo, est qu’il n’a pas
d’idées lui-même, et ainsi sa conclusion au bout de 400 pages décrivant
la corruption des anarchistes eux-mêmes quand ils goûtent au fruit du
pouvoir, est celle de Prieto : il n’y a pas d’alternative anti-autoritaire
à la lutte pour le pouvoir. Dans ce cas, il n’a pas d’autre futur pour
l’anarchisme que d’être une philosophie individuelle pour une élite.
Ce
livre aurait pu être très important si Martinez Lorenzo avait montré moins de
fidélité à son père....Horacio Prîeto !
Je
n’ai pu consulte régulièrement la presse libertaire espagnole en exil ces
six dernières années. Ce que j’en ai lu, indique que les responsables de
ces périodiques s’efforcent plus d’entretenir dans le mouvement âgé en
exil l’illusion du passé et des espoirs exagérés sur le futur, que de tirer
des leçons de cette expérience unique. La revue
Presencia, tribuna libertaria (Paris.,
1965-1968) donna l’impression que cette mentalité allait être changée.
Des dix numéros parus, certains présentent des matériaux originaux : en
particulier une enquête : «Le
mouvement libertaire espagnol, en 1936-1939, a-t-il renoncé
à mener à bien la révolution
?
11» En présentant ce travail, la rédaction suggérait
que la question aurait tout aussi bien être posée plus simplement : «Si
le 19 juillet 1936 venait à se répéter — exactement comme par magie, dans
les mêmes conditions qu’à l’époque —, le mouvement libertaire
devrait-il agir comme il l’a fait? » Mais hélas, bien que des lumières
du mouvement libertaire espagnol aient été invitées comme Garcia Oliver,
Federica Montseny et Santillan, seuls Peirats et Cipriano Mera y répondirent.
La
contribution de Peirats est importante car il est encore plus
critique que dans son dernier livre. Sa déclaration principale est
certainement la suivante :
«Il
est indubitable qu’il y eut un renoncement révolutionnaire dès que le soulèvement
militaire fut liquidé à Barcelone et en Catalogne. Et, cependant la révolution
ne pouvait se présenter sous de meilleurs auspices. ( ... ) Sans nul doute la
partie la plus dure de l’entreprise fut assumée par les minorités énergiques.
Surtout les hommes aguerris de la CNT-FAI. Mais le peuple, qui comprenait
la gravité des intérêts mis en jeu, les appuya massivement, évitant tout
retournement de la situation. Le renoncement se fit précisément au moment où
un groupe de notables de la CNT-FAI alla à la Généralité écouter les
flatteries que prit soin de leur proediguer le président Companys. Pour
l’historien, il reste que ce groupe de notables, au cours d’un bref
intervaIle, entra vainqueur et ressortit en vaincu.»
Peirats
revient à la charge en écrivant : «A proprement parler, il ne s’agissait
pas d’un renoncement, mais d’une reddition de la révolution. On ne peut
pardonner aux anarchistes, qui sont les techniciens les plus compétents de
l’interprétation des mécanismes politiques de l’État, d’avoir été la
proie facile de prévisions soulignées dans les textes les plus élémentaires
de théorie. Et on peut difficilement croire à l’ingénuité de ces hommes
quand on les voit s’adapter si facilement aux protocoles de
la choréographie politique. (...) Dans la période 1936-1939, on
avait affaire à l’apparition d’une nouvelle
classe, héritière de toutes les tares de la classe disparue. Le mouvement
libertaire n’était pas exempt à certains niveaux de ce phénomène.»
Dans sa conclusion, Peirats accuse également les notables
de la CNT-FAI d’avoir été des révolutionnaires à œillères manquant
d’imagi nation, «sans une éthique véritablement anarchiste». Ils agirent
en semblables circonstances comme de simples politiciens «optant pour le
moindre effort». Mais, pour Peirats, les anarchistes ne
peuvent faire «ce que tout le monde fait vulgairement» dans ces moments.
Aussi quand il pose la question : qu’ aurait dû faire le mouvement
Iibertaire ? il s’aperçoit que la moitié du problème peut être résolu en
se demandant: «Que fallait-il ne pas faire ?» Nous en revenons à «Lafin
et les moyens» et Peirats y apporte des remarques très intéressantes. Le numéro
suivant de la revue publie l’apport de Cipriano Mera au débat, sous la forme
d’une interview qui est malheureusement trop courte et superficielle, mais
suggère des thèmes à approfondir. Mera insiste sur l’exactitude des faits
et des leçons à en tirer, fort différente du rôle qu’il joua dans l’«armée
populaire» en 1937 durant la militarisation des milices (voir le chapitre
XVI). Il reconnaît que «nous partageons tous une bonne partie de la
responsabilité» pour la période où la CNT collabora au gouvernement. Il
ajoute que si le temps est passé de demander des comptes aux coupables, cependant
«je veux néanmoins faire remarquer que la politique des faits accomplis et des
décisions exécutives commença dès le début de la guerre ».
L’autre
revue que je voudrais mentionner ici est «Noir & Rouge» dont le dernier
numéro, 46, parut en juin 1970. C’est sans conteste une des plus importantes
revues de l’après-guerre et le matériel critique sur la révolution
espagnole est important. Les numéros 36 et 38 publient la traduction des
articles de Peirats et Mera, avec des commentaires de la rédaction auxquels
Peirats fit une réponse éclairante. Le lecteur y trouvera aussi des études de
valeur sur l’autogestion, en particulier sur l’expérience algérienne et
la «révolution» de mai 1968.
Enfin je signalerai le numéro spécial de la revue Government & Opposition sur «l’anarchisme aujourd’hui »
(no 4, Autumn, 1970) qui contient un article bien documenté de J.
Romero Maura sur «Le problème espagnol». L’auteur cherche à «formuler une
hypothèse de travail sur le fait que seul en Espagne le mouvelment anarchiste
fut capable de construire avec autant de succès une organisation de masse, fondée
largement sur les ouvriers de l’industrie avec une attitude révolutionnaire
aussi puis-santé et soutenue». Maura examine les cinq explications généralement
proposées à ce phénomène. La première «cherche une réponse dans le caractère
spécifique de l’Espagnol» mais Maura la rejette justement comme romantique,
en soulignant que « les classes moyennes espagnoles ne sont jamais devenues
anarchistes et ne semblent pas avoir été moins attachées à leurs biens et
leurs intérêts qu’ailleurs dans le monde». La seconde «souligne le retard
de l’économie espagnole» ; la troisième est fondée sur l’idée «qu’il
doit y avoir une relation de cause à effet entre le fait que l’anarchisme des
travailleurs industriels était le plus puissant en Catalogne et l’apparition
dans cette province d’un mouvement nationaliste puissant des classes moyennes».
La quatrième «affirme que l’anarchisme était le résultat, d’un manque de
liberté politique». Et le phénomène de l’anarchisme espagnol est attribué
à «la désillusion des travailleurs face à une constitution libérale et démocratique
qui ne donnait aux travailleurs aucun pouvoir réel».
Maura n’a pas de mal à réfuter ces explications. La
véritable, selon lui, serait d’abord «dans la nature même de la conception
anarchiste de la société et du déroulement de la révolution». Et il décrit
le développement du mouvement et «enfin, comment la stricte observation de ces
conceptions originales en matière organisationnelle lui permit de conserver son
attitude pendant longtemps». Il faut remarquer que, dans son essai, Maura
n’aborde pas les événements de 1936-1939 et il est vraiment dommage
qu’il ternisse cette bonne étude par une conclusion sur des généralités
peu sérieuses et une citation, qui ne l’est pas moins d’«un des leaders de
la FAI
12». Sans doute «l’hypothèse de travail» de Maura
vaut plus pour les antécédents de l’anarchisme espagnol que pour la
situation de 1936-1939. «C’est une autre histoire», selon sa dernière
phrase, espérons-le !
Malgré
tout, je dois dire que je considère que l’essai de Maura est stimulant et polémique,
même si je ne le suis pas toujours. Certaines de ses conclusions m’ont
particulièrement intéressé : «Encore que l’on sache peu de choses de la
poussée et de la chute du syndicalisme français et italien, une chose est
claire, à savoir que leur conception de la grève générale révolutionnaire
était un mythe dangereux». Maura approfondit son affirmation en ajoutant que
« l’idée de la grève générale était conçue comme une alternative à
l’insurrection armée» qui après la défaite de la Commune de Paris avait été
écartée «une fois pour toute ...», par l’armée de l’Ëtat bourgeois. Le
syndicalisme français et italien considérait que la grèvè générale
atomiserait la violence et empêcherait grâce au sabotage la coordination des
forces de l’État, rendant impossible l’utilisation de l’armée contre les
travailleurs. Je suis d’accord avec Maura lorsqu’il qualifie cette analyse
«d’illusion» et qu’il cite le cas « des anarcho-communistes de
l’USI (Unione Sindacale Italiana) qui prévoyaient les dangers de cette
erreur (...) mais cependant malgré les efforts d’Armando Borghi, ils ne
purent imposer leur point de vue à un mouvement qu’ils ne contrôlaie pas».
Mais il considère que pour l’Espagne «cette confusion ne prit jamais racines
(...). Les fondateurs dé Solidaridud
Obrera et de la CNT avaient une pensée anarchosyndicaliste telle que,
contrairement au programme du syndicalisme révolutionnaire des autres
pays, ils choisirent comme objectif final le
communismo libertario. Ils n’abandonnèrent jamais leur conception
anarcho-communiste de la bataille décisive dont la force pure serait l’élément
principal».
Je
serais assez de l’avis de Maura, sauf pour sa dernière phrase qui me semble
trop crue et plate, et de toute façon en contradiction avec ce qu’il écrit
du mouvement italien. Par contre, l’hypothèse selon laquelle «le succès
historique»,
comparé au reste de l’Europe, de la CNT, plus influencée par les anarchistes
que par les courants marxistes ou réformistes, serait «dûe à ce qu’elle
choisit comme objectif final le communisme-libertaire», mérite d’être
suivie de recherches.
Les
lecteurs de Malatesta — Lile and Ideas
peuvent se rapporter à ma conelusion sur «Le legs de Malatesta aux anarchistes
d’aujourd’hui». Je citais Malatesta qui suggérait que l’idée de la Grève
Générale fut lancée et «accueillie avec enthousiasme par ceux qui ne
faisaient pas confiance à l’action parlementaire, et voyaient en elle une
voie nouvelle et fructueuse pour mener à l’action populaire». Mais
l’erreur fut que la plupart la considérait comme «un substitut à
l’insurrection, une issue pour «affamer la bourgeoisie» et l’obliger à
capituler sans avoir à tirer un coup de feu». A cela Malatesta répondait
ironiquement que loin d’affamer la bourgeoisie, « nous nous affamerions
nous-mêmes d’abord».
Je
pense que Maura tire des conclusions erronées de la discussion entre Malatesta
et Monatte au congrès anarchiste d’Amsterdam parce qu’il ne fait pas de
distinction entre la Grève Générale qui est fondamentalement une action
autoritaire d’une partie de la société — les travailleurs organisés —
et une insurrection, qui est un soulèvement du peuple contre une classe au
pouvoir, et qui est seule possible, voire victorieuse, si elle, regroupe la
grande majorité des gens. A mon avis, la conception de la grève générale «bataille
décisive... force pure» repose sur le nombre de travailleurs organisés et la
nature de la branche économique qu’ils contrôlent. L’insurrection est par
définition «un soulèvement pour établir une autorité» par le peuple,
dont l’issue dépend non pas de la force du chantage, mais de l’adhésion
de la société entière qui l’accepte. L’idée de l’anarchisme décidé
par «la force pure» comme l’écrit Maura est contraire à toute la doctrine
anarchiste.
Maura, qui connaît les événements espagnols, a dû sûrement remarquer qu’alors que les éléments révolutionnaires en dépit d’innombrables grèves générales entre février et juillet 1936 n’avaient pu faire la révolution pour abattre le gouvernement de Front Populaire et ses institutions (dont les forces armèes), Cependant ils furent l’avantgarde qui incita la population à résister et à mettre en déroute le soulèvement militaire de Franco dans les deux tiers de la Péninsule et á mettre en place une révolution sociale qui changea radicalement le système économique existant et concerna plusieurs millions d’ouvriers et de paysans.
IX
Je pense
qu’on peut s’attendre à la publication de plusieurs volumes de documents
sur différents aspects de la guerre d’Espagne. Et comme cela a été dit, on
peut s’attendre á des récits sur des événements précis comme par exemple
Els fets de Maig (1970, Barcelone) de Manuel Cruells qui est un livre de 140
pages sur les journées de Mai 1937, par un journaliste qui en fut témoin. Il y
aura sans doute également des réimpressions de documents de l’époque, épuisés
depuis longtemps, comme Guerra di Classe (1936-1937) (1971, Pistoia) de Camillo
Berneri, douze articles publiés dans le periodique italien édité à
Barcelone, dont des temoignages aussi importants que « Lettre ouverte à la
camarade Federica Montseny», «Guerre et Révolution» et «La Contre-révolution
en marche» (quelques jours avant d’être assassiné par les staliniens).
Il est évident
que plus de livres seront publiés, plus nos connaissances avanceront, et il est
souhaitable que tous les secteurs de la Gauche le fasse (comme les rééditions
de Revolution & Counter-Revolution in Spain de Felix Morrow et Spanish
Cockpit de Franz Borkenau). En ce qui concerne les anarchistes, il y a déjà un
nombre suffisant de matériel qui fait que les leçons de cette lutte épique
apparaissent clairement et sans équivoque.
NOTES
1.
En français dans le texte (N. d. T.).
2.
Revue Anarchy, (Vol. 1, no 5, 1961) à laquelle nous avons emprunté la phrase
« outre... du mot » qui résume
sept pages de critique (N. d. T.).
3.
Centre International de Recherches sur l’Anarchie, Beaumont 24, Lausanne, no 22.
4.
En français dans le texte (N. d. T.).
5.
Freedom hebdomadaire anarchiste, 20 juillet 1963, réimprimé dans Freedom
Reprints Vol. Sortes of law & Order (1965, Londres).
6.
En espagnol dans le texte (N. d. T.).
7.
Traduit de l’espagnol, o. c., p. 613, 614 (N. d. T.).
8.
Traduit en espagnol par Ruedo Ibérico en 1972 (N. d. T.).
9.
A ne pas confondre avec le leader socialiste Indalecio Prieto. Le seul point
commun de ces deux Prieto était d’appuyer l’aile droite de leur
organisation respective. J’ai cité Brenan pour dire que la CNT s’entendait
mieux avec l’aile droite socialiste, Prieto plutôt que Caballero. Il est
clair que le Prieto de l’aile droite de la CNT avait un penchant
* très
prononcé pour le «Lénine» socialiste : Largo Caballero !
*
en français
dans le texte (N. d. T.).
10.
Il n’y a pas d’index, ce qui est regrettable dans un livre si documenté, et
inadmissible dans un volume de 400 pages que l’éditeur annonce comme étant « une
histoire lumineuse et déconcertante », mais compréhensible car la tendance pro
Prieto aurait été trop visible!
11.
Nous suivons la traduction de Noir & Rouge no 36, l’original étant dans
Presencia, no 5, septembre-octobre 1966 (N. d. T.).
12.
Cité par Toryho (N. d. T.).
13.
Freedom Press 1965, existe en traduction italienne et espagnole (N. d. T.).
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